Il s’appelait Georges Floyd et il n’est pas mort du Coronavirus

Il s’appelait Georges Floyd

Le 25 mai 2020 à Minneapolis (USA), Georges a été tué par quatre policiers qui l’ont maintenu au sol suite à une arrestation, appuyant sur son cou avec un genou durant d’interminables minutes. À trois sur lui, sa respiration est devenue impossible. Un quatrième, complice, a sciemment protégé ses collègues des passant-e-s indigné-e-s, caméra à la main et exhortant les forces de l’ordre à lâcher Georges. Des scènes d’une violence insoutenable, trop fréquentes et révélatrices d’un climat socio-politique foncièrement malsain.

En France aussi, les personnes d’origine étrangère mortes des conséquences des violences policières sont nombreuses. Trop nombreuses. Les manifestant-e-s qui ont subi les flashballs et ont perdu un oeil, aussi. Sans compter les personnes qui ont été rendues handicapées d’une main, pour avoir osé protester contre l’ordre établi. En Suisse, ces conséquences se comptent en moins grand nombre mais ne sont pas inexistantes. Il n’est pas rare que la police fasse usage d’une force disproportionnée face à des activistes antispécistes ou écologistes, usant des gaz lacrymogènes, des clés de bras et autres entourloupes. Les noir-e-s un peu trop visibles dans les rues pour certain-e-s, ne sont pas épargné-e-s. Le plaisir perceptible que certain-e-s agent-e-s ressentent en asseyant leur suprématie donne franchement la gerbe. Avec le sourire, les tabassages foisonnent. On met quelques coups de genou ou de matraque juste comme ça, pour se faire mousser et conforter son égo en mal d’amour.

Les violences policières sont dénoncées par les médias indépendants et les collectifs militants. Elles reflètent une réalité qui doit être condamnée. Il ne s’agit pas de “dérapages ponctuels” : il s’agit de meurtres ou d’atteinte grave à l’intégrité psycho-corporelle, souvent en toute conscience. Le film tragique et poignant “Les Misérables“, diffusé en 2019 dans les cinémas n’a rien d’une fiction. Et l’impunité des policier-ère-s me fait sensiblement penser à celle des prêtres abuseurs d’enfants. On prend acte et tout au plus, on mute. Au pire, on licencie, comme c’est le cas des quatre policiers coupables de la mort de Georges. Aux dernières nouvelles, l’un des responsables a tout de même été placé en garde à vue. Mais si Georges avait mis un genou sur le cou d’un policier jusqu’à ce qu’il suffoque, il aurait été envoyé au trou et probablement condamné à la chaise électrique, sans discussion. 

“Les flics ne sont pas tous comme ça”

Heureusement. Mais comme dans d’autres corps de métiers, le conditionnement et la soumission à l’autorité amènent des personnes lambda de devenir des monstres. La police exécute les ordres d’un État aux fondements racistes. Elle protège la suprématie blanche dans un pays qui n’a jamais vraiment aboli l’esclavage. Et l’expérience de Milgram des années 60 n’a rien de démodé. Les phénomènes psycho-sociologiques démontrés sont transposables à nos générations, tout contexte culturel confondu. “Je ne fais que mon travail, je ne fais qu’exécuter des ordres.” Cette phrase énoncée à tout va, et qui agit comme agent de déresponsabilisation. Une déresponsabilisation meurtrière. Une déresponsabilisation qui ferme les coeurs. N’oublions jamais que si les pires crimes de l’Histoire ont pu avoir lieu, c’est parce que chaque maillon de la chaîne n’a fait “que son travail”. Et quand chacun-e ne fait que son travail, on massacre en âme et conscience, indépendamment de la couleur de peau, du genre, de l’orientation sexuelle ou de l’espèce. Parfois, il suffit pourtant à quelques maillons de se détacher et de protester, pour faire tomber la chaîne. Mais c’est trop risqué. Alors on s’y accroche.

Oui, derrière l’uniforme, il y a quelques humain-e-s dont le fond est bon. Comme chez les éleveur-euse-s ou les employé-e-s d’abattoir, d’ailleurs. Le fond est bon, mais “on ne fait que notre travail”. Même quand ce travail implique la discrimination et l’oppression. Il se trouve que les maillons qui osent suivre leurs valeurs profondes plutôt que d’exécuter les tâches criminelles de la chaîne, changent de métier et lavent leur conscience du sang versé ou des coups portés. À une plus large échelle malheureusement, l’Histoire prouve qu’aucune manifestation ou pétition ne parviendra à changer l’ordre établi. Les pseudo-avancées que l’une ou l’autre des luttes a obtenu se sont soldées plus ou moins par des échecs dans les faits. La fin de l’esclavagisme n’a jamais mis fin à l’esclavage ou au racisme. Le droit de vote des femmes n’a pas empêché le sexisme, la traite des êtres humains, le viol, le harcèlement, les inégalités salariales. La fin des élevages en batterie pour les poules en Suisse n’a jamais mis fin à leur entassement et n’a en rien fait évoluer le statut des animaux. Les oppressions sont systémiques et récurrentes. Leur forme change d’une époque à l’autre, et encore. Mais leurs racines semblent immuables. Pour ce monde et cette civilisation, l’évolution de conscience universelle semble utopique.

Méditer, prier, envoyer de l’amour… et quelques pavés.

J’aimerais pouvoir faire preuve d’optimisme pour l’avenir et de sagesse dans le présent, en considérant les meurtriers de Georges Floyd, pour ne citer qu’eux, comme de simples exécutants en mal de reconnaissance et qui agissent par ignorance. Des individus à qui il faudrait envoyer de l’amour, de la lumière et pour qui il faudrait méditer de sorte à ouvrir leur coeur. Oui, oui, en théorie. Dans les faits, je dois admettre que de voir les images de protestation dans les rues de Minneapolis, jusque dans les bureaux de police et devant le domicile du principal coupable du meurtre de Georges, me procure une satisfaction non contenue. Et à défaut de pouvoir abolir le racisme, il y en a qui s’attèlent à mettre au moins un peu la pression à celles et ceux qui le perpétue. Une petite voix intérieure me souffle même que c’est la moindre des choses. À l’image des quelques torreros qui se font encorner par les taureaux qu’ils mutilent. C’est franchement la moindre des choses.

 

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Virginia Markus

Avant de la décrire comme une auteure activiste, co-fondatrice de l'association antispéciste Co&xister, il faudra décrire Virginia Markus comme une humaine. Avec ses failles et ses ambitions. Alors qu'elle passait son temps à argumenter dans différents contextes, elle se dédie désormais à son sanctuaire pour animaux. À ses heures perdues, elle griffe encore quelques lignes.

4 réponses à “Il s’appelait Georges Floyd et il n’est pas mort du Coronavirus

  1. Je trouve qu’il est effectivement parfaitement pertinent de rappeler les travaux de Milgram pour essayer de comprendre l’indicible. Et de reprendre les propos que Frédéric Gros emprunte à Primo Levi en introduction de son excellent ouvrage « Dés-obéir » : « Les monstres existent, mais ils sont trop peu nombreux pour être vraiment dangereux ; ceux qui sont plus dangereux, ce sont les hommes ordinaires, les fonctionnaires prêts à croire et à obéir sans discuter. »

  2. Voilà une voix qui s’élève et qui rappelle que nos silences individuels font le lit qui conforte les oppressions, toutes les oppressions. Merci à vous de protester devant l’innommable.

  3. Ah ben c’est pas vraiment juste il était positif au coronavirus et en plus il avait du fentanyl et des méthamphétamines dans le sang.

    Point a rappeler les asiatiques ont 2 fois moins de chances par rapport aux blancs de se faire tuer par un policier.
    Les US un pays de suprématistes asiatique ?

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