Le pont menant du handicap vers les sommets

M’étant soudainement retrouvée en situation de handicap il y a bientôt 15 ans, je n’ai pas voulu rester à me morfondre dans la vallée de la tristesse. Une nuit, j’ai rêvé d’un pont menant du handicap aux sommets… C’était une révélation et je suis partie à la découverte.

J’ai eu un accident en tombant d’un trapèze en 2007. Aujourd’hui, je suis assise dans un fauteuil roulant et la partie visible de mon handicap est une paraplégie complète Asia A, depuis la 10 et 11e vertèbre thoracique.

Toutefois, il existe de nombreux autres handicaps et en quelque sorte, chacun de nous porte le sien. Cela peut être une surdité, une jambe plus courte que l’autre ou quelque chose de psychique comme une phobie, une schizophrénie ou encore de l’autisme.

Ce pont, vous ne le trouverez pas physiquement devant vous. Le pont dont je parle, c’est ce que vous décidez de faire de votre vie, c’est votre choix de vous prendre en main et de devenir votre propre coach.

Par le passé, mon métier d’artiste de cirque m’avait appris à être flexible de corps en tant que contorsionniste.

L’accident m’a pris ce corps valide, mon outil d’expression, mais quelque chose en est resté. Il s’agit de la partie virtuelle, cette flexibilité d’esprit qui me permet de plier comme le tronc de l’arbre qui se courbe sous la tempête et qui ne se brise pas.

Ceci a été la première brique de mon pont.

Mes dix années de sport de compétition en paracyclisme m’ont permis de continuer la construction de ce pont à travers les vertus du sport qui sont la combativité et la persévérance.
Ne pas abandonner, crocher, dépasser sa zone de confort, tenir jusqu’au bout et garder son objectif devant les yeux.

Mes six ans de collaboration en tant que pilote de l’exosquelette TWIICE m’ont permis de continuer à construire ce pont qui mène du handicap vers les sommets, grâce à une vision, grâce à l’espoir pour les personnes à mobilité réduite.
Les débuts étaient difficiles, l’exosquelette ne ressemblait en rien à ce qu’il est aujourd’hui mais nous y avons cru, nous avions la vision.

Ce pont qui mène au sommet, c’est aussi le rayon de soleil qui vous montre le chemin vers la lumière.

Quand vous pensez que vous êtes dans le noir absolu, levez les yeux au ciel, vous allez voir des étoiles.
La nuit d’un noir absolu n’existe pas. Les étoiles, si elles brillent, c’est qu’elles sont éclairées par un soleil et cela signifie qu’il reste de la lumière.

Nous n’aimons pas nous retrouver dans le noir, là où règne l’angoisse et le désespoir, mais s’il n’y avait pas de nuit, nous ne verrions jamais les étoiles, si tout était toujours beau, facile et parfait, nous ne nous battrions pas pour chercher des solutions, pour nous en sortir, pour devenir de meilleures personnes.

Chaque matin est porteur d’espoir, l’espoir de recommencer, différemment, un jour meilleur qu’hier. Il faut juste en prendre conscience et saisir l’opportunité.

Je pense pouvoir me définir comme une éternelle optimiste parce que dans ma plus tendre enfance, (je ne vais pas vous la raconter) j’ai vécu une mort imminente. Je me suis vue flotter au-dessus de mon corps, j’ai vu un indescriptible et merveilleux halo de lumière, j’ai vu que c’était beau, que c’était apaisant.

Mon secret, si j’en suis arrivée là, c’est que partout, j’ai été chercher la lumière.
Je suis absolument convaincue que la lumière nous accompagne partout et même plus loin. La lumière, c’est la vie.

Alors lorsque après mon accident, on m’a dit que ceci et cela allait désormais être impossible, que plus jamais je ne pourrai le faire et même quand on ne m’a rien dit, tellement cela semblait impossible, je n’ai pas écouté, car je suis intimement convaincue que la lumière est partout. Aussi petite et faible soit-elle, c’est à vous de l’amplifier, de venir avec un miroir pour la multiplier et que d’une seule lumière, vous en fassiez deux. Et mieux qu’un miroir, équipez-vous d’une boule à facette pour qu’elle projette votre lumière partout, sur tous les murs autour de vous.

Quels sont ces miroirs, me demanderez-vous ?

Cela peut être la rencontre d’êtres chers, la contemplation d’une œuvre d’art, une balade dans la nature. Tout cela peut nous faire vibrer et nous apporter de la lumière.

Et ce miroir, c’est aussi lorsque la vie vous offre l’incroyable surprise, après 13 ans assis dans votre fauteuil, de vous donner de nouveaux accès et contact à votre corps entier, y compris à vos jambes paralysées, à travers le don de tenir en équilibre sur vos mains… alors que vous ne sentez pas votre bassin et vos jambes. Vous avez développé votre proprioception.

À côté de cet instant où j’ai retrouvé cette mémoire cellulaire qui m’a permis de tenir en équilibre sur mes mains, j’ai placé une boule à facette et cette petite lumière de souvenir musculaire qui en cette année 2020 est venue éclairer ma vie de paraplégique, je l’ai multipliée pour qu’aujourd’hui, elle se projette partout et pour que vous puissiez reconnaître la lumière qui est en VOUS.

Alors maintenant, lorsque nous lèverons les yeux de cet article et retrouverons notre vie quotidienne, plaçons cette boule à facettes au milieu de nous et multiplions cette lumière, cette joie, cette vie qui vibre ici tout autour de nous.

(Photos: Tania Emery /Olivier Maire)

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Silke Pan

Livre : A la conquête de nouveaux sommets, Editions Favre Une vie qui commence dans la lutte, Silke Pan se relève et de ses passions, elle en fait son métier. Artiste de cirque, elle travaille à travers toute l’Europe jusqu’au jour où une terrible chute du trapèze brise les ailes de l’acrobate. Paraplégique, Silke reprend son envol à travers le sport de compétition en handbike (vélo à bras). Grâce à sa collaboration avec l’EPFL pour le développement de l'exosquelette TWIICE, elle vit un miracle technologique. En 2020, un retour inattendu dans le monde de l'acrobatie et du cirque lui ouvre de nouvelles portes.