Mon handicap, j'en ai fait ma force!

Ma vie aux couleurs arc-en-ciel

Ancienne trapéziste, Silke Pan est aujourd'hui paraplégique, ce qui ne l'empêche pas de battre des records de handibike, ici elle pratique le yoga. © Mathieu Rod

Allongée sur mon lit d’hôpital, les souvenirs défilaient dans ma tête, celle que j’avais été, celle qui ne sera plus… et celle que je pourrais devenir, peut-être…

Artiste de cirque, contorsionniste, trapéziste, je vivais mon rêve, mes passions. Mon corps avait été mon moyen d’expression et d’épanouissement.

Ce 24 septembre 2007, un tsunami s’est levé, a chamboulé ma vie, renversé mes plans et anéanti mes rêves.  Il a fallu reconstruire, recommencer et lever la tête, chaque matin, pour ne pas sombrer.

L’accident m’a ôté mon corps, mon identité et mes objectifs. Le sentiment de ne plus rien valoir m’a rongé, les douleurs morales ont tué mon esprit et la charge affective occasionné une fatigue permanente. Agressions, pertes et même la mort… ces orages traversés depuis ma plus jeune enfance m’ont permis, aujourd’hui, de pouvoir dire « merci ». Merci pour ma liberté de penser, ma liberté de choisir et ma liberté d’agir. Merci à la Vie, car si les épreuves traversées ont laissé des cicatrices, si la paraplégie m’a en quelque sorte coupée en deux, mon âme vibre à 200% !

Je n’ai jamais cessé d’y croire et au fond de moi je savais qu’au bout de chaque tunnel le ciel se dégagerait et laisserait passer quelques rayons de soleil. Parce que l’essentiel, aucun événement extérieur ne peut nous le prendre : la capacité d’abnégation, de résilience et la foi en la Vie.

Je ne pouvais plus faire rêver le public sur les scènes de cirque, cabaret et théâtre, mais il me restait mes mains et ma créativité. Les ballons de baudruche, ces formes légères et colorées me rappelaient des moments lointains d’insouciance, de rire et de gaieté…alors pourquoi ne pas en créer quelque chose de plus grand ? Comme je le dis souvent, rien n’est impossible, c’est seulement pus difficile lorsqu’on vit avec un handicap.

Mon mari et moi nous sommes spécialisés dans l’art des ballons latex et avons créé notre entreprise, un magnifique accomplissement. Canniballoon Team est depuis appelé en Suisse, Europe et outre-mer pour apporter joie et divertissement à travers des sculptures et paysages tout en ballons : monde sous-marin, château fantastique ou labyrinthe géant… Un large espace en Chine nous a permis d’en construire le plus grand au monde à ce jour avec 160’000 ballons, sur 2’500 m2. De quoi se perdre ou simplement perdre ses nerfs avec l’envie de tout éclater pour retrouver un chemin vers l’extérieur.

Un art éphémère comme tout ce qui passe et défile dans notre vie. Éclater un ballon c’est effacer ce qui a existé et redonner un espace libre pour un créer à nouveau. La vie est une éternelle création d’un nouveau lendemain et notre chance est de pouvoir recommencer tous les jours, plus haut, plus grand, plus fort.

S’accrocher au passé, c’est comme ne pas vouloir éclater la création en ballons passée de date. Elle perd de son éclat, flétrit, prend la poussière. Souvent, nous nous accrochons à ce qui a été, à nos joies et succès passés. Le regard tourné en arrière, nous ne voyons plus le soleil qui éclaire le merveilleux panorama devant nous et notre joie en est grimée.

Et devant moi se trouvait une athlète, une athlète handisport, dynamique et remplie de joie de vivre. J’ai tourné mon regard et le handbike m’a emporté dans des nouvelles contrées. Marathons, championnats du monde, premières mondiales, titres et médailles ont nourri cette étape de ma vie de mille couleurs et étoiles étincelantes.

A travers le sport j’ai pu déloger les traumatismes du passé et les transformer en carburant pour atteindre quelques-uns des plus beaux et plus hauts sommets alpins européens. Après de longues heures d’effort, lorsque l’objectif sportif est atteint, mon regard se pose sur le long chemin parcouru et le vent de la montagne me raconte ses secrets :

– Silke, vois-tu ces taches noires dans la vallée ? Elles ne t’appartiennent pas, laisse-les là où elles sont. Ne lâche pas la pression sur tes pédales, avance et au-dessus du brouillard se dressera ton nouvel Everest.

C’est alors nourrie d’une énergie magique, presque irréelle, que je me rends à la prochaine compétition et retrouve les collègues de mon équipe sportive. Je les observe et je les admire car eux aussi me racontent beaucoup de secrets :

La première victoire n’est pas la médaille mais le fait de se mettre sur la ligne de départ. La plus grande victoire n’est pas un record du monde mais celle d’avoir fait ce que hier encore je pensais être impossible. La plus belle victoire n’est pas d’avoir couru un Ironman mais celle de pouvoir embrasser notre destin et de crier de tout son cœur : « Je t’aime ma vie ! »

Photo titre @ Mathieu Rod

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