17 mai : une journée de plus en plus importante pour les personnes transgenres

Chaque année, le 17 mai est la journée mondiale contre l’homophobie et la transphobie.

Le 17 mai 1990, l’OMS a décidé de ne plus considérer l’homosexualité comme une maladie mentale. Dès 2005, ce jour a été célébré en tant que journée contre l’homophobie. Ce n’est qu’en 2009 que la transphobie – soit l’hostilité sous toutes ses formes envers les personnes transgenres – a été ajoutée aux célébrations du 17 mai.

On peut se demander s’il est légitime d’encore célébrer une telle journée en Suisse en 2020, nous qui avons tendance à croire que notre pays et sa démocratie sont des modèles en termes de liberté et de droit de l’homme, ou plutôt de droits humains comme il siérait de dire.

Je me focaliserai sur la situation des personnes transgenres aujourd’hui dans notre coin de « paradis ».

Chez nous la transidentité, sous son appellation médicale de dysphorie de genre, est encore considérée comme une maladie mentale même si l’OMS l’a classifiée ce printemps dans une nouvelle catégorie intitulée « conditions liées à la santé sexuelle ». Cela prendra encore plusieurs années avant que les personnes trans* ne soient plus obligées de consulter un psychiatre, ce que beaucoup d’entre nous considèrent comme une violence à leur égard.

L’injustice crasse faite par le Conseil fédéral, puis le parlement aux trans*

Le 9 février le peuple adoptait, par 63% de oui, la pénalisation des actes et propos homophobes. J’aimerais souligner l’injustice crasse faite par le Conseil fédéral, puis le parlement en plénière, qui retirèrent du projet de modification du Code pénal, les actes et propos transphobes, et ce au prétexte que la transidentité ne serait pas un concept clair. Cet abandon, vécu par les personnes transgenres comme une insulte à leur différence, prendra sans doute des décennies à être corrigé.

Le même Conseil fédéral qui par ailleurs propose une procédure « facilitée » de changement de genre qui contraindra la requérante/le requérant à se présenter devant un officier d’État civil qui aura la possibilité de demander des rapports complémentaires, voire de refuser la requête, en cas de doute, doute nulle part défini et précisé !

Ce peu de considération pourrait passer pour une peccadille, si cela n’avait pas des conséquences concrètes et quotidiennes.

ÉPICÈNE, l’association que je préside réalise actuellement un livre de 50 portraits de personnes trans* de toute la Suisse (20 en Romandie, 20 en Suisse alémanique et 10 au Tessin). Nous constatons qu’en Suisse italienne, les personnes contactées refusent presque toutes de témoigner de leur parcours par peur. Peur de perdre leur emploi, peur de se rendre dans un lieu public en tant que trans*, peur de leur voisinage.

Taux de chômage 6 fois supérieur chez les trans*

Il est vrai que le taux de chômage est six fois supérieur chez les trans* que dans le reste de la population !

Rien que dans la semaine qui s’achève, j’ai eu trois rendez-vous, et un appel, avec des personnes trans* non membres de l’association dont la préoccupation principale relevait de questions d’acceptation, notamment au plan professionnel. Je trouve dramatique qu’être soi-même vous amène à risquer de perdre votre emploi, alors que vous serez au contraire plus performant·e en étant libéré de toutes les tensions qui empoisonnent votre vie.

Le peu de considération portée aux personnes transgenres se retrouve encore hélas parfois dans nos médias, écrits, radiophoniques ou télévisuels. Le mot transsexuel·le est encore régulièrement utilisé au lieu de transgenre, les personnes sont « outées » sans que cela n’apporte rien à la qualité de l’information, et Le Temps de cette semaine parlait encore de personnes transgenres n’ayant pas réalisé leur transformation. Comme si la transidentité consistait à se transformer.

L’utilisation inappropriée du vocabulaire par les médias est ravageuse pour deux raisons. Premièrement, elle perpétue dans le public une image négative de personnes qui sont en fait ordinaires et banales, pour peu qu’on les laisse vivre leur vie. Et deuxièmement, elle est perçue comme très violente par celles et ceux qui font ce voyage indispensable vers eux-mêmes.

Cette précarisation a encore beaucoup d’autres effets dans les milieux médicaux, scolaires, universitaires et autres. J’aurais l’occasion d’y revenir prochainement, tout comme sur le pauvre classement de la Suisse en comparaison internationale en termes de protection des personnes trans*.

Aujourd’hui, je pourrais également citer des cas, en Europe, qui pourraient paraître plus graves ou plus importants, comme la Hongrie qui a supprimé le droit de changer de genre à l’État civil, ou la France qui, tout en adoptant une loi émancipatrice sur la procréation médicalement assistée (PMA), en refuse l’accès aux couples trans* dont l’ovule et le sperme viendraient pourtant des deux conjoints officiellement mariés !

Instagram : https://www.instagram.com/lynn.bertholet.officiel/

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Lynn Bertholet

Banquière, activiste pour la Diversité et l’Inclusion, fondatrice et présidente d’ÉPICÈNE, association d’utilité publique en faveur des personnes transgenres, Lynn Bertholet a étudié à HEC Lausanne, à l’IMD et à la Graduate Business School de Stanford. En 2015, elle a été la première femme transgenre à Genève à obtenir de nouveaux papiers d’identité avant même d’avoir subi une opération chirurgicale.

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