ROGD : à qui profite le crime ?

Quand j’étais petite, j’adorais lire Conan Doyle ou Agatha Christie. Je cherchais constamment le mobile des criminels et cela me passionnait.

Aujourd’hui, en tant présidente d’ÉPICÈNE, je cherche les motivations des personnes avec lesquelles j’interagis, notamment quand je rencontre des jeunes et moins jeunes questionnant leur identité de genre. Mon rôle n’est pas d’évaluer leur motivation, mais de les aider à parler de leur mal être, et de ce qui les rend heureux·ses·x, dans un environnement sûr et bienveillant, sans préjugés. Ainsi, ils·elles·iels peuvent clarifier leur propre motivation.

Mon discours est constant : tu questionnes qui tu es, c’est OK. Tu penses que tu es non binaire, voire trans*, c’est OK. Tu as changé d’avis et penses plutôt être cisgenre homosexuel·le·x, c’est OK. Tu as besoin de temps, c’est OK. Je n’ai pas à te juger ni à penser à ta place ce qui est bon pour toi. Mon rôle est d’attirer ton attention sur les possibles difficultés du chemin que tu pourrais choisir, de te donner de bonnes adresses pour que tu puisses prendre tes décisions en toute connaissance de cause et t’aider durant le parcours que tu choisiras si tu en as besoin.

Et si en fin de compte tu ne veux rien faire, c’est OK. Revenir en arrière après avoir fait le chemin complètement ou partiellement vers l’autre côté de la binarité ? c’est OK. Je serai aussi là pour toi.

Tout cela parce que ta douleur je la connais ; je l’ai vécue. Ça m’a pris 50 ans de pouvoir mettre les bons mots dessus et faire le voyage vers qui je suis. Je comprends ta souffrance et ton désir d’aller vite parfois, parce que je me suis souvent réveillée le matin en pensant que tout avait changé durant la nuit. J’ai aussi été terrorisée à l’idée de décevoir ma famille, mes amis et mes proches, et comme toi, je voulais que tout s’arrête. J’ai aussi eu honte de m’imaginer dans un autre corps et de parfois le vivre en cachette en ayant peur d’être découverte. Alors pour moi, tout est OK tant que tu respectes les choix des autres et le mien.

Depuis des mois maintenant je n’arrive pas à comprendre les motivations des personnes qui luttent avec une énergie et des moyens considérables contre la communauté trans* et discréditent les associations et les professionnels·les·x qui aident les personnes en questionnement.

S’il est normal que des proches, et en particulier des parents, soient surpris·es·x par l’annonce d’un questionnement identitaire, accompagné souvent d’un désir de transition partielle ou complète, et que la peur soit leur premier sentiment, il me paraît étrange de développer cette peur jusqu’à en faire un combat contre son enfant, et contre toute la communauté et les professionnels·les·x qui s’en occupent depuis 40 ans.

Mobiliser la presse par de fausses affirmations, déformer la réalité des faits et des études scientifiques, dénoncer calomnieusement des médecins, insulter la communauté en traitant des personnes simplement bienveillantes de transactivistes autogynéphiles ou de militants transeuphoriques n’apporte pas grand-chose au débat alors qu’il reste tant à faire pour éviter les discriminations dont nous sommes victimes.

Je dois dire que l’immense affiche soutenant dans les rues de Genève un concept qui n’est absolument pas vérifié, sorti d’une étude ayant fait l’objet de lourdes corrections par son autrice dans les mois qui ont suivi, m’amène à me poser deux questions : à qui profite le crime et de quel côté sont les militants dans cette affaire ?

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Lynn Bertholet

Banquière, activiste pour la Diversité et l’Inclusion, fondatrice et présidente d’ÉPICÈNE, association d’utilité publique en faveur des personnes transgenres, Lynn Bertholet a étudié à HEC Lausanne, à l’IMD et à la Graduate Business School de Stanford. En 2015, elle a été la première femme transgenre à Genève à obtenir de nouveaux papiers d’identité avant même d’avoir subi une opération chirurgicale.

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