52 ans trop tard, IBM présente des excuses à Lynn Conway

Lynn Conway est une femme aujourd’hui âgée de 84 ans

Le 21 novembre, le New York Times reprenait un article de la revue Forbes paru 3 jours auparavant. L’article annonçait qu’IBM avait officiellement présenté ses excuses à Mme Lynn Conway pour l’avoir licenciée 52 ans plus tôt. Lors d’une cérémonie en ligne très officielle menée par la DRH du groupe, Diane Gherson, la société informatique a en effet formellement demandé pardon à Lynn Conway invitée à la réunion.

Lynn Conway est une femme, aujourd’hui âgée de 84 ans, dont les travaux en électronique influencent chaque jour la vie des habitants de toute la planète. Dans son domaine, elle a reçu toutes les plus hautes distinctions professionnelles et académiques.

En 1963, après de brillantes études plusieurs fois interrompues en raison de son mal être, elle obtient son master en ingénierie électronique à l’université de Columbia. Repérée par IBM, elle rejoint en 1964 les équipes de recherche qui travaillent au développement des supercalculateurs de la firme, à l’époque largement numéro un mondial. En 1965, elle invente la gestion généralisée des instructions dynamiques, une avancée essentielle pour le développement des ordinateurs dit « super scalaires » et pour les microprocesseurs.

En 1968, elle est licenciée par le CEO malgré le soutien de son chef direct.

Elle perd le droit de voir ses enfants

Commence alors pour elle une lente descente aux enfers qui la verra perdre le droit de voir ses enfants, d’être obligée de divorcer et de s’enfuir à l’étranger.

Elle revient aux États-Unis près d’une année plus tard et reprend sa vie en mode furtif. Elle trouve un travail au centre de recherche de Xerox à Palo Alto et publie, en 1973, un article (Introduction to VLSI systems) avec le professeur Mead du Californian Institute of Technology. Cette publication devient rapidement la référence pour le design des microprocesseurs. La méthode qui y est décrite s’appelle d’ailleurs la méthode Mead-Conway.

Toujours en mode furtif, sa carrière prend alors l’ascenseur. Elle est enseigne au M.I.T, la méthode Mead-Conway est à la base d’un ambitieux programme du ministère de la défense et de nombreuses start-up de la Silicon Valley.

Mariée à Charles Rogers, sa vie est trépidante. Elle est nommée professeure ordinaire à l’université du Michigan, donne des conférences dans le monde entier et reçoit de nombreuses récompenses professionnelles.

Mais en 1999, des journalistes qui écrivent sur l’histoire de l’informatique recherchent le brillant ingénieur ayant inventé la gestion généralisée des instructions dynamiques chez IBM.

Sentant qu’elle va être découverte et qu’elle ne pourra plus se cacher, Lynn fait alors son « coming out » et annonce qu’elle est née petit garçon. Elle devient alors un modèle pour la cause des transgenres.

Faudra-t-il attendre encore 52 ans en Suisse pour que les entreprises cessent d’avoir peur ?

IBM a licencié Lynn Conway en 1968 lorsqu’elle a annoncé qu’elle voulait faire sa transition « par crainte de ternir son image » comme l’a expliqué Diane Gherson lors de son allocution. Image que la société essaie aujourd’hui de redorer.

En 2020 encore, en Suisse, de nombreuses femmes trans* perdent leur emploi sans explications, par claire discrimination en raison de leur transidentité. Le taux de chômage de la population trans* est 6 fois supérieur à celui du reste de la population. Et près de 25% des entreprises déclarent ouvertement qu’à compétences égales, elles n’engageraient pas une personne trans* [1].

Il est temps d’agir pour que ces personnes n’aient pas 52 ans à attendre avant d’être considérées à leur juste valeur au plan professionnel. La même valeur que celle d’avant leur transition qui leur a valu d’être embauchées et employées pour leurs qualités durant de nombreuses années.

[1] TGNS : Projet Trans-Fair

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Lynn Bertholet

Banquière, activiste pour la Diversité et l’Inclusion, fondatrice et présidente d’ÉPICÈNE, association d’utilité publique en faveur des personnes transgenres, Lynn Bertholet a étudié à HEC Lausanne, à l’IMD et à la Graduate Business School de Stanford. En 2015, elle a été la première femme transgenre à Genève à obtenir de nouveaux papiers d’identité avant même d’avoir subi une opération chirurgicale.

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