La Fédération internationale de natation (FINA) annonce une nouvelle politique pour inclure les personnes trans*

Dimanche, en marge des championnats du monde de natation à Budapest, la FINA a annoncé que les nageuses trans* ne pourraient plus concourir avec les femmes cisgenres, mais devront s’inscrire dans une nouvelle catégorie dite «open».

Cette décision est le résultat d’un important travail réalisé au sein d’un groupe de réflexion réunissant athlètes, médecins et juristes. À ce stade, je ne sais pas si des athlètes trans* ont également été intégrés·x·es aux débats. J’espère que ce soit le cas car trop souvent les personnes concernées sont exclues des discussions dont elles sont pourtant au centre.

Un équilibre à trouver entre inclusion et équité

ÉPICÈNE, l’association que je préside, a anticipé la question des athlètes trans* dans le sport dès 2020, notamment sous l’interpellation de clubs de football du canton de Genève. Lors de ses deux séminaires de réflexion stratégique de l’été 2021, le comité a conclu que la réponse à apporter devait tenir compte à la fois des intérêts des personnes trans* à pouvoir pratiquer leur sport sans discrimination, y compris en compétition, et de ceux des athlètes féminines cis pratiquant leur sport avec passion.

En effet, une femme trans* ayant fait sa transition sociale est parfaitement reconnue dans tous les droits et devoirs liés à son genre ressenti. Cela y compris dans ses droits à continuer de pratiquer son sport en compétition. D’un autre côté, force est de constater qu’une femme trans* ayant fait une transition médicale après sa puberté conservera, malgré les traitements hormonaux, voire chirurgicaux, qu’elle aura subis, des avantages physiologiques liés au développement de ses masses musculaire et osseuse notamment durant sa phase pubertaire. Ces avantages pourront être maintenus, ou même accentués, par l’entraînement intensif d’une sportive de haut niveau.

Vus du point de vue d’une sportive cisgenre, les avantages précités ne sont pas équitables. Et sans jugement sur la transidentité en tant que telle, les sportives cisgenres peuvent trouver que concourir avec des athlètes bénéficiant d’un avantage physiologique qu’elles n’ont pas forcément choisi, mais qui est réel ne serait pas juste.

ÉPICÈNE pense donc qu’il y a un équilibre à trouver entre deux principes fondamentaux, qui en l’occurrence s’opposent, à savoir le droit des athlètes trans* à être incluses dans tous les domaines de la société et celui des athlètes cis à un traitement équitable sur le plan sportif.

La FINA et les fédérations sportives en général ont trois possibilités.

La première est de contraindre les femmes trans* à continuer de concourir dans les catégories de leur sexe de naissance. Ce serait inéquitable en raison du fait que leur transition médicale leur a fait perdre certaines caractéristiques hormonales masculines et donc qu’elles seraient physiologiquement désavantagées.

La seconde est, à l’inverse, de les laisser participer aux compétitions avec les femmes cisgenres. Dans ce cas, les femmes ayant fait leur transition après leur puberté bénéficieront d’un avantage physiologique et les femmes cis se sentiraient traitées injustement.

La troisième possibilité, retenue par la FINA, est de créer une catégorie spécifique pour les femmes trans*, catégorie que la fédération a désignée par «open». Cette approche nous paraît la moins inéquitable bien qu’imparfaite et laissant ouvertes de nombreuses questions qui ne manqueront pas de soulever beaucoup d’autres débats.

Parmi ces questions, ÉPICÈNE en voit deux qui ne tarderont pas à se poser.

Premièrement, celle du traitement des femmes trans* qui ont fait leur transition avant leur adolescence, à savoir qu’elles ont pris des bloqueurs d’hormones, puis des traitements hormonaux conformes à leur genre ressenti dès l’adolescence. Ces personnes n’auront alors pas développé d’avantages physiologiques liés à leur sexe de naissance. Il serait inéquitable de les contraindre à la catégorie «open».

Deuxièmement, qu’en sera-t-il des hommes trans* ayant fait leur transition après leur puberté. Ces derniers continueront à avoir des désavantages liés à leur développement osseux et musculaire féminin durant leur adolescence. Les faire concourir avec les hommes cis serait injuste, tout comme les maintenir avec les femmes cis. Mais les inscrire dans la même catégorie «open» que les femmes trans* serait sans doute inapproprié également.

Bien d’autres sujets de discussion se révéleront avec la pratique, notamment dans les mouvements juniors… Nous espérons que les personnes trans* seront associées aux débats dans le respect de la diversité des opinions.

En conclusion, je tiens à rappeler, d’une part, qu’une transition n’est jamais un choix individuel pour tirer des avantages éventuels d’un genre perçu ou d’un autre, mais résulte d’une souffrance profonde et durable venant de l’inadéquation entre le genre ressenti et le sexe assigné à la naissance. Et de l’autre que l’inclusion des diversités passe par la prise en compte des ressentis et intérêts légitimes de toutes les personnes constituant une société dans laquelle il fait bon vivre. Dans un monde qui commence seulement à s’ouvrir, notamment sur les transitions sociales sans traitements médicaux aucuns, ce dernier point me paraît essentiel.

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Lynn Bertholet

Banquière, activiste pour la Diversité et l’Inclusion, fondatrice et présidente d’ÉPICÈNE, association d’utilité publique en faveur des personnes transgenres, Lynn Bertholet a étudié à HEC Lausanne, à l’IMD et à la Graduate Business School de Stanford. En 2015, elle a été la première femme transgenre à Genève à obtenir de nouveaux papiers d’identité avant même d’avoir subi une opération chirurgicale.

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