Diversité & Inclusion dans le monde d’après

La pandémie ne restera pas sans effets durables sur nos économies. La question abordée ici est de savoir quels seront ses effets sur les politiques de diversité et d’inclusion dans les entreprises, et en particulier de montrer que ces dernières auraient tout intérêt à « booster » ces politiques plutôt qu’à les mettre au placard. Par entreprise, il faut comprendre organisation du secteur privé ou du secteur public, quelle que soit la forme juridique.

La diversité représente la variété de personnes, d’idées et de cultures qui sont présentent dans une entreprise. Certaines caractéristiques de la diversité sont apparentes, comme l’ethnie, le genre ou l’âge alors que d’autres sont invisibles, telles la religion, l’orientation sexuelle ou l’identité de genre, par exemple.

De l’égalité à l’inclusion

L’inclusion est la capacité d’une organisation à créer un environnement de travail dans lequel les collaboratrices et collaborateurs, indépendamment du niveau hiérarchique ou du rôle tenu, se sentent respecté·es, valorisé·es individuellement, et en lien les un·es avec les autres sans préjugé. Cela implique que chacun·e peut être authentique en étant respecté·e et respectueux·se. L’inclusion fait tomber les barrières et favorise grandement la collaboration entre les personnes. Elle n’a pas seulement lieu d’être en interne, mais elle englobe toutes les parties prenantes avec lesquelles l’entreprise interagit (clients, fournisseurs, état, actionnaires…).

Avant la pandémie, les entreprises qui abordaient cette thématique le faisaient essentiellement par catégories, et parfois par labélisation. Ainsi, la diversité concernait principalement l’égalité des genres, et plus particulièrement l’égalité salariale, voire l’égalité ethnique. La recherche de l’obtention d’un label, soit global, mais ayant une composante « D&I », soit spécifique à un groupe identifié de la diversité et de l’inclusion, notamment le genre, le handicap, l’ethnie ou encore l’orientation sexuelle était souvent le complément visant à démontrer que l’organisation était bonne élève.

Ces approches comportent deux risques principaux. Le premier est de rester des vœux pieux transposés dans des directives et instructions internes que peu de gens connaissent et encore moins appliquent. Le second est d’avoir un joli logo pour sa communication et son image, mais sans effet réel sur les relations avec les parties prenantes.

La crise que nous vivons encore, même si elle est en net recul pour l’instant, présente comme toute crise des risques et des opportunités (c’est ce que signifie approximativement 危机 en chinois).

Les dangers sont d’essayer de vite revenir à la situation d’avant, celle qu’on connaissait bien puisque « On a toujours fait comme ça » et d’ainsi utiliser les importantes ressources mises à disposition par les états et les banques centrales pour retrouver une situation non durable et particulièrement créatrice d’exclusion.

La chaîne de valeurs doit être revue pour intégrer les coûts externes, notamment ceux engendrés par les discriminations et l’exclusion

Les chances sont au contraire de tirer les leçons de ce qui vient de se passer, non seulement pour revoir sa chaîne logistique, mais également pour commencer à intégrer les coûts externes dans sa chaîne de valeurs, à savoir les coûts qui sont supportés collectivement, ou en tout cas pas par ceux qui les génèrent. Les entreprises pourront ainsi prendre de meilleures décisions, non seulement en termes économiques, mais également en termes de durabilité et de justice.

La situation actuelle démontre que d’importants changements culturels pourraient avoir lieu dans les entreprises au profit de toutes et tous, et donc également du leur. Le télétravail est l’exemple le plus évident, pour autant qu’il soit encadré par un management par objectifs et le respect de la vie privée.

En fait, il est très probable que les entreprises les plus performantes dans le monde d’après seront celles qui auront repensé leur modèle d’affaire dans son intégralité pour le rendre plus agile, plus créatif et moins risqué.

En ce qui concerne la diversité et l’inclusion, il faut saisir l’opportunité qui se présente pour passer à une vraie culture d’entreprise inclusive. Cela commence par comprendre que l’inclusion fait totalement partie de la diversité, qu’elle en est l’essence même.

Les organisations qui pensent que la diversité et l’inclusion sont un luxe qu’elles ne pourront plus se payer seront celles qui auront le plus de difficulté à innover, à se remettre en question et à accéder aux meilleurs talents pour leur avenir.

Par exemple, le télétravail, par la flexibilité qu’il apporte par rapport au 9h00-17h00, peut être bénéfique aux travailleuses·eurs tout comme aux entreprises. Mais il ne faut pas qu’il soit implanté sans tenir compte des particularités individuelles, en particulier de celles des plus faibles, notamment des personnes visées par une politique de diversité et d’inclusion.

Il existe une abondante littérature sur les avantages que tirent les entreprises de la diversité et de l’inclusion. Mais si ces avantages sont sans doute perfectibles, notamment parce que trop souvent basés sur de vieilles méthodes de mise en place qui ne sont pas optimales en termes d’effets voulus (voir entre autres Diversity Matters, Delivering through Diversity et Diversity wins-How inclusion matters de McKinsey&Company).

Comment saisir au mieux l’opportunité qui se présente aujourd’hui en termes de diversité et d’inclusion ? En développant une culture d’entreprise favorisant l’inclusion de la diversité à tous les niveaux, en commençant par le haut. Parce que c’est de la tête que vient l’exemple.

C’est de la tête de l’entreprise que doit venir l’exemple

Exemple typique d’un conseil d’administration ou d’une direction, à une femme près parfois…

Or la tête dans les entreprises, constituée très majoritairement d’hommes blancs cisgenres et hétérosexuels, se sait bien faite et bien pleine. Donc, pourquoi évoluerait-elle ?

Parce que si la tête est bien pleine, elle l’est également de toute une série de biais inconscients qui l’amènent à favoriser systématiquement ceux qui lui ressemblent au détriment de la diversité et de l’inclusion.

Créer une culture inclusive commence donc par rendre conscient le top management – conseil d’administration et direction exécutive dans une société anonyme – de ses principaux biais inconscients.

Ce n’est évidemment qu’une première étape. Il faut ensuite continuer la sensibilisation de tous les décideurs, et décideuses quand il y en a, à tous les échelons, pour qu’ils/elles comprennent que leurs décisions sont biaisées sans qu’ils/elles ne le veuillent. Ainsi ils/elles seront conscient·es de la nécessité du changement voulu par la tête.

En parallèle, il faut redéfinir les principaux processus RH et les conditions de travail (recrutement, nominations, poste de travail…) et le cadre réglementaire interne qui va avec. Pour optimiser les chances de succès, l’utilisation de techniques comme le Design thinking et le Change management est nécessaire. Sinon, l’organisation continuera à dupliquer le modèle existant, mais en en ayant conscience cette fois.

La Covid-19 a fait – et continue à faire – d’importants dégâts parmi les plus faibles et les plus vulnérables. En faisant évoluer leurs valeurs et leur culture, les entreprises ont l’opportunité de faire quelque chose de juste qui, de plus, améliorera leurs marges et leur valeur actionnariale à moyen et long terme.

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Lynn Bertholet

Banquière, activiste pour la Diversité et l’Inclusion, fondatrice et présidente d’ÉPICÈNE, association d’utilité publique en faveur des personnes transgenres, Lynn Bertholet a étudié à HEC Lausanne, à l’IMD et à la Graduate Business School de Stanford. En 2015, elle a été la première femme transgenre à Genève à obtenir de nouveaux papiers d’identité avant même d’avoir subi une opération chirurgicale.

2 réponses à “Diversité & Inclusion dans le monde d’après

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